La villa Romaine de Trébillane (photographie aérienne)

Archéologie et Histoire à Cabriès

Jusque récemment, le patrimoine archéologique, architectural et artistique de Cabriès était peu connu. On savait bien que le "piton", c'est-à-dire le village médiéval, possédait quelque intérêt, qu'une villa gallo-romaine avait été découverte et partiellement fouillée dans les années 1960 au lieu-dit Trébillanne, qu'à proximité se situe une bastide renaissance aujourd'hui utilisée comme "maison pour tous" et que des découvertes éparses dans les champs, essentiellement pour l'antiquité, étaient mentionnées dans la Forma Orbis Romani.

Mais le village de Cabriès est encore un lieu très champêtre, peu urbanisé, où peu de fouilles de sauvetage eurent l'occasion d'être réalisées, tandis que le gros hameau qui en dépend, Calas, a été fortement urbanisé, sous forme de lotissements, jusque dans les années 1980, sans aucune fouille préalable.

Le musée Edgar Mélik, au sommet du "piton", possède en sous-sol une petite collection archéologique, provenant essentiellement de la villa de la Trébillanne, en particulier un sarcophage de plomb contenant un squelette. Ce musée a pour but principal de faire vivre la mémoire du peintre Edgar Mélik, qui habita le château de Cabriès, dans lequel le musée est installé, dans les années du milieu du XXe siècle. Toutefois sa conservatrice, Danièle Malis, attachée à son terroir, a décidé de susciter la création d'une Association Archéologique regroupant des habitants de la commune, constatant la méconnaissance du patrimoine local par les habitants autant que par les autorités archéologiques. Elle prit donc contact avec Dominique Berthout, à l'occasion d'une visite du musée et du village par l'Université du Temps Libre d'Aubagne, au sein de laquelle D. Berthout est responsable des cours d'archéologie. Grâce à des crédits de l'Inspection Académique et à une subvention municipale accordée à l'Association, Danièle Malis et Joséphine Boursier, présidente de l'Association, mandatèrent D. Berthout pour réaliser une série d'activités dans la commune.

Tout d'abord une exposition fut mise en place, l'été dernier, au musée, présentant ce que l'on connaissait du patrimoine de Cabriès, placé dans son contexte grâce au prêt de pièces diverses provenant de communes voisines (Bouc-Bel-Air, Gardanne et Aix).

Une collaboration fut aussi engagée avec Nuria Nin, archéologue municipale d'Aix, pour former les membres de l'Association, pour la plupart néophytes en archéologie, ainsi qu'un petit groupe d'étudiants collaborant bénévolement aux activités du musée. Cette formation, en cours, consiste à fournir les bases de la prospection archéologique, de la céramologie, notamment antique, de la construction d'un fichier archéologique et des impératifs administratifs et légaux.

Sur le terrain, cela a aussi consisté, dans une vaste propriété proche du village, à inventorier les éléments architecturaux ruraux, souvent de l'époque moderne et du XIXe siècle, tels que restanques, galeries drainantes, puits, jarres à huile, aires à battre le blé...
Nous comptons continuer cette formation par la prospection en champs, afin que l'Association soit en mesure de repérer d'éventuels vestiges antiqurs enfouis. Il semble en effet qu'il y aurait près d'une dizaine de villae ou d'établissement ruraux gallo-romains sur la commune.

Nous nous sommes aussi attachés au patrimoine architectural et artistique du village de Cabriès. D. Berthout en a réalisé l'inventaire complet. Le castrum de Cabriès naît au moyen-âge, à une époque qu'il restera à déterminer, peut-être par les recherches en archives que compte mener l'association. Il se situe sur une cuesta entourée pour moitié de hautes falaises. Le château médiéval occupe la plus haute partie de cette cuesta, comme cela est courant. Très remanié à l'époque Moderne (chapelle, chambres, adjonctions au XVIIIe siècle, grandes fenêtres), il subsiste du moyen-âge la forme de la partie centrale, la porte fortifiée, des corbeaux pour l'accrochement d'un plancher de bois, un fragment de créneaux et six archères. Malheureusement, au début du XXe siècle, sa cour intérieure a été considérablement rehaussée pour installer un vaste réservoir d'eau desservant le village. Réalisé sans fouilles, cet aménagement a certainement détruit l'essentiel de la stratigraphie.

Au pied du château, s'étend le village, "coincé" sur une surface relativement modeste, comme c'est souvent le cas pour un castrum. Les rues sont étroites et tortueuses. Aucune maison n'est à proprement parler médiévale, mais plusieurs conservent quelques traces : arcs, linteaux, tourelle...

L'église, du XIIe siècle, romane, est en partie creusée dans le rocher. Son décor, une sculpture assez primitive, est constitué de bandes d'étoiles et de motifs géométriques. Un retable a été ajouté au 17e siècle, restauré récemment, ainsi qu'un grand tableau, conservé aujourd'hui au musée. D'un point de vue archéologique, le plus surprenant est le bénitier. Il est composé de deux pièces citées dans la Forma Orbis Romani et considérées depuis comme perdues. Le pied est un cippe romain anépigraphe, tandis que la vasque est pré-romaine. Elle présente un curieux décor de deux animaux longilignes affrontés, à gueule ouverte et longue queue, au bout de laquelle, pour chaque, se trouve une tête humaine coupée. Décor on ne peut plus païen pour une église.

Celle-ci faisait partie du rempart du village, tandis que son clocher est posé sur la porte fortifiée de ce rempart. Avec l'aide de Philippe Daniel, ce dernier a été étudié et dessiné, en vue de proposer à la municipalité la restauration de la portion conservée. D'une manière générale, Philippe Daniel s'est chargé de tous les dessins et restitutions graphiques de cette étude sur Cabriès.

Nous nous sommes aussi intéressés au bâti post-médiéval : croix, maisons, escaliers publics, lavoir, mairie, fontaines... Cela a conduit D. Berthout à réaliser des cartes évolutives de l'urbanisme du village, du Moyen-Age au XXe siècle. Il faut noter que cette carte archéologique et monumentale du village du "piton" a été utilisée par D. Berthout à l'école communale de Cabriès, dans le cadre d'un Projet d'Action Educative, Joséphine Boursier étant directrice de cette école. Du CE1 au CM2, cela a permis aux enfants de mieux connaître l'histoire de leur village, ses monuments, son rempart, son église et d'apprendre les notions de patrimoine, d'archéologie, de racines collectives. Ce PAE a été étendu à Calas (église, château, urbanisme, chapelle, bastide de Trébillanne, oratoire), ainsi qu'à un moulin et à une ferme, du XIXe siècle, proches du village. L'association s'est aussi donné pour but la mise en valeur et l'étude des vestiges du lavoir de Trébillanne. A l'automne, la formation des membres de l'association reprendra, tandis que Danièle Malis et Dominique Berthout s'intéresseront de plus près à la chapelle Saint Raphaël, cémétériale et médiévale, qui serait susceptible d'apporter d'intéressants éléments de mobilier et d'archéologie, peut-être des tombes médiévales sous et autour de l'édifice. A noter, à proximité, une tombe de 1914, artistiquement intéressante, avec les bustes de la matrone, du père, dans son costume provençal, et du fils, en uniforme militaire, tombé en 1914; émouvant témoignage d'une époque proche et pourtant déjà révolue.

Notre carte archéologique et monumentale s'étend aussi au pied du "piton", prenant en compte les éléments proches : moulin et aires à blé, norias, oratoires, puits ; chère à D. Berthout, l'archéologie industrielle est représentée, avec l'évocation d'une éolienne qui permettait de monter de l'eau vers le village et les vestiges d'une centrale électrique.

L'association, dénommée AAHCC (Association d'Archéologie et d'Histoire de Cabriès-Calas), de création toute récente, est désireuse de rejoindre l'Union Archéologique des Bouches du Rhône et la Fédération Française d'Archéologie.